En 2012, moi et ma conjointe nous étions en visite pour une vingtaine de jours dans le bordelais. A la fin août, nous venions de quitter avec nostalgie la région de Saint-Émilion : en route vers le sud, direction du Gers. Nous avions été invités à visiter le Domaine de Tariquet, bien connu au Québec pour ses vins blancs et ses Armagnacs.
Pendant plus de 2 heures, nous avons roulé sur des routes de campagne presque désertiques. Ce trajet nous a menés vers ce qui fut jadis une principauté du sud-ouest de la France au Haut Moyen Âge, soit la Gascogne. C’est le pays de Charles de Batz de Castelmore, dit d'Artagnan qui a inspiré les récits d’Alexandre Dumas avec Les Trois Mousquetaires.
Une histoire d’amour et de vignes
Contrairement à des provinces comme la Bretagne ou la Normandie, le nom de Gascogne a disparu avec la province qu'il désignait et n'a pas été repris pour désigner aucun des départements ou régions de la France. On l’utilise notamment sur le plan touristique et dans le milieu viticole. Aujourd’hui, on parle davantage du Gers, un lieu reconnu pour ses paysages vallonnés. Peu importe, dans nos têtes, nous sommes sur la piste de l’héritage de Pierre Grassa, le père du Domaine de Tariquet. Il s’est éteint en mars 2012 à l’âge de 96 ans. Il n’aura malheureusement pas été en mesure de participer à la célébration du centenaire du domaine en juin 2012.
L’histoire de Tariquet a presque 110 ans, car elle remonte à 1912 alors que la famille Artaud s’en porte acquéreur dans un contexte d’avant la Première Grande Guerre. Tariquet était dans un piteux état alors qu’il ne restait du vignoble que 7 malheureux hectares, le phylloxera ayant fait son œuvre. Il faudra attendre en 1939 alors que le destin va réunir Hélène Artaud à celui de Pierre Grassa. Hélène et Pierre redonneront une vocation viticole au Tariquet en Bas-Armagnac. Ils se marièrent en 1946 et eurent 4 enfants : Maïté, Christiane, Françoise et Yves. À partir de 1972, Maïté et Yves perpétueront le métier en restant sur le domaine. Au début des années 80, avec le déclin du marché de l'Armagnac, ils décident de concentrer leur production sur les vins blancs.
Avec ses 110 ans bientôt, Tariquet démontrent que la réussite n’est pas réservée qu’aux grands crus dans le monde du vin.
Tariquet c'est plus de 1000 hectares de vignes
Yves Grassa, alors responsable de la production, va utiliser son bagage de nouvelles connaissances acquises en Californie. Tariquet deviendra d’ailleurs le premier établissement de la région à faire des macérations pelliculaires et des vinifications à basse température. Ce procédé a pour effet de tirer un maximum d'arômes des raisins, et du même coup, Yves Grassa sera nommé vigneron de l'année en 1987 par l'institution anglaise « The International Wine Challenge ». Il aura été épaulé dans cette aventure par l’œnologue Denis Dubourdieu.
Avec son entêtement à ne pas suivre les conventions, Yves Grassa va ensuite redonner ses lettres de noblesse au Gros Manseng en produisant un vin moelleux au milieu des années 90. La cuvée Les Premières Grives du domaine du Tariquet est un vin demi-sec dont les raisins sont récoltés en surmaturité. Aujourd’hui, plusieurs vignerons tentent toujours d’imiter Tariquet en produisant un vin moelleux avec du Gros Manseng.
Yves a laissé le soin à ses fils, Armin et Rémy, de prendre la relève de l’entreprise. Avec leur père Yves et leur tante Maïté, ils forment le comité de direction de cette entreprise familiale. C’est dans ce contexte que nous allons faire la rencontre de cette troisième génération de vignerons.
Suivez le guide
À notre arrivée à Tariquet, c’est le sympathique directeur commercial du domaine, Ithier Bouchard qui nous servira de guide. À bord de sa Passat, il va nous faire découvrir l’immensité de cette propriété qui est renommée pour ses Bas-Armagnacs et ses vins blancs. Tariquet est le plus gros producteur de France avec ses 8 millions de bouteilles de vin et plus de 120 000 bouteilles d'Armagnac vendues annuellement.
Cette production provient des quelque 1125 hectares de vignes réparties sur quatre propriétés. Notre visite va durer quelques heures où nous aurons l’opportunité de voir ces différentes propriétés acquissent au fil des années et les nombreux chais aux quatre coins du vignoble principal. Sur notre trajet, nous croiserons une ancienne voie de circulation utilisée jadis par les Romains, afin de relier l’empire à Pampelune en Espagne. Nous allons de même nous rendre à une propriété acquise par Armin et Rémy soit La Hitaire. Sous la recommandation de leur père, alors qu’ils étaient encore aux études, ils ont acheté cette terre d’une centaine d’hectares. Un gros travail de replantage de vignes a été effectué sur cette propriété. Comme le Tariquet, ces vins sont notamment vendus au Québec.
Nous allons également visiter la propriété de Garderon acquise en 2006 avec ses 60 hectares d’un seul tenant. Dans un rayon de 5 kilomètres autour du Château de Tariquet, près de 300 hectares sont donc exploitées. Tariquet est une entreprise importante dans le décor du Gers avec 70 employés permanents et avec près de 200 travailleurs à différents moment dans l’année. (Chiffres de 2012)
Le Gros Mensang populaire grâce aux Grassa
Le domaine de Tariquet possède des vignes en Chardonnay, Chenin, Colombard, Gros Manseng, Petit-Manseng, Sauvignon, Sémillon et Ugni-Blanc. Sur une base expérimentale, Ithier Bouchard nous confie qu’ils vont récolter du Pinot Noir pour la première fois cette année. (NDLR : 2012)
Tariquet c’est aussi de l’eau de vie
L’eau de vie de la région Armagnac est la plus ancienne des eaux de vie de vin françaises. Au XIVème siècle, cette eau de vie était déjà décrite dans un traité de médecine pour ses nombreuses vertus. Comme on peut le lire sur le site internet de Tariquet, la région de production se découpe en trois secteurs : Bas-Armagnac, Tenareze, Haut-Armagnac. La zone la plus réputée se situe autour d’Eauze, là où sont implantées les vignes du Château du Tariquet. La distillation se caractérise par le passage du vin dans un alambic dit : « armagnacais » ou « à jet continu ». Cet alambic est en cuivre, il est alimenté exclusivement au bois. Tous les Bas-Armagnac suivent le même chemin dans leur élevage. Exception faite de la Blanche (non vieillie sous bois), les différentes qualités d’eau de vie qui sortent de l’alambic sont mises à vieillir dans des fûts adaptés au potentiel de chacune. L’Armagnac sera mis à vieillir dans un chai traditionnel au sol en terre battue et charpente de bois, où sont logés des fûts de chêne français à grains fins.
" L’Armagnac est un travail de longue haleine car la distillation ne profite habituellement qu’à la génération suivante."
Les cépages qui constituent les assemblages des Bas-Armagnac sont le Baco 22A pour 65% et l’Ugni blanc pour 35% (assemblage variable selon les coupes). Quant aux Bas-Armagnac sélections Folle Blanche, ils sont constitués exclusivement de Folle Blanche. L’Armagnac est un travail de longue haleine car la distillation ne profite habituellement qu’à la génération suivante. Par exemple, pour produire le Tariquet –XO, l’élevage en fût de chêne doit s’étendre sur un minimum de 15 ans. Il faut donc avoir des capacités d’entreposage énormes pour ces longues durées et avoir une bonne stabilité financière. Les plus gros marchés de Tariquet pour ses Armagnacs sont l’Angleterre, le Danemark, les États-Unis et la France.
Dégustation et gastronomie à la manière Gasconne
Nous allons terminer notre visite par les bâtiments de vinification de l’entreprise, la nouvelle chaîne d’embouteillage ultramoderne et l’espace d’entreposage des bouteilles. Après ces quelques heures à circuler d’un chai à l’autre, d’un vignoble à l’autre, nous sommes plus qu’heureux d’être invités à une dégustation des nombreux produits de Tariquet. Ithier Bouchard nous conduit vers la nouvelle salle de dégustation. Nous serons d’ailleurs les premiers visiteurs canadiens à inaugurer les nouvelles facilités décorées avec bon goût. Seul un couple d’Hollandais aura eu la chance de nous précéder dans ces lieux.
Ithier Bouchard et la gamme des vins de Tariquet
Neuf vins blancs et deux rosés sont produits chez Tariquet. Nous allons goûter l’ensemble de la gamme dont deux vins disponibles depuis quelques mois au Nouveau-Brunswick, soit le Chardonnay et le Sauvignon blanc. N’ayant pas eu le temps de luncher avant notre rendez-vous, il était primordial de cracher un brin. Nous allons aussi goûter quelques eaux-de-vie dont la Blanche et l’idée Folle. Dans ce marathon de dégustation, nous allons aussi déguster le VSOP, le XO, Le légendaire, soit un 8 ans et un 15 ans. L’accueil chaleureux de nos amis de Tariquet ne s’arrêtera pas là, car nous aurons la chance de partager un moment de gastronomie et de bons vins à la Bastide, un établissement Relais et Châteaux situé à Barbotan-les-Thermes.
Une soirée agrémentée des vins de Tariquet
Accompagné de mon épouse, nous avons partagé un repas en présence d’Ithier Bouchard et Armin Grassa. Juste avant le repas, j’ai profité de l’occasion pour faire une courte entrevue avec l’un des fils d’Yves Grassa. Vous pouvez visionner le tout en cliquant ici. La soirée s’est terminée en simplicité devant le foyer de l’hôtel avec un verre d’Armagnac. Cette incursion entre l'Aquitaine et les Pyrénées, nous aura donné l’occasion de découvrir le charme d’une région et la fierté de ses produits viticoles. Avec ses 110 ans bientôt, Tariquet démontrent que la réussite n’est pas réservée qu’aux grands crus dans le monde du vin. Le rêve des hommes, l’amour de la terre et la passion engendrent parfois des triomphes qui résistent à l’usure du temps, Tariquet est dans cette lignée.
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