Note : Au moment de notre visite en 2012 la famille Valette-Pariente était encore propriétaire du château Troplong-Mondot. Depuis juillet 2017 le château fût vendu au groupe Scor. Le Château Troplong-Mondot, qui possède 33 hectares dont 29 ha de vignes, est l'une des plus grandes propriétés de Saint-Emilion. Ce domaine produit près 100.000 bouteilles par an.
Août 2012, ma conjointe et moi empruntons la route départementale D1215 en provenance de Castelnau de Médoc. Après avoir franchi le Pont d’Aquitaine et contourné la Ville de Bordeaux par la Rocade, nous sommes sur la fameuse rive droite de la Garonne et filons vers la campagne, direction : la petite ville de Saint-Émilion. Située à 7 km au sud-est de Libourne, Saint-Émilion, la plus grande ville aux alentours, compte un peu moins de 2000 habitants au cœur de l’une des plus prestigieuses appellations viticoles de France.
Le charme de la ville est saisissant avec ses petites ruelles et ses remparts qui en font une ville mythique et attachante. La juridiction de Saint-Émilion est inscrite depuis le 5 décembre 1999 sur la liste du patrimoine mondial au titre des paysages culturels de l’Unesco. La région comporterait des marques d’occupation dès 35 000 avant notre ère. D’ailleurs, ce serait les Romains qui auraient introduit la culture de la vigne. À ce chapitre, on aurait découvert les traces d’une villa gallo-romaine qui aurait existé en bas du coteau.
Notre premier rendez-vous dans la région est au Château Troplong Mondot. En sillonnant ces routes rurales, il n’y a pas de marge de manœuvre pour les conducteurs imprudents. L’étroitesse du chemin confirme le caractère champêtre des lieux. À notre arrivée à l’accueil, un bon monsieur assis confortablement avec son journal semble surpris de nous voir franchir le seuil de sa porte. C’est Xavier Pariente, le proprio lui-même. Il est un peu étonné car il ne savait pas que sa fille nous avait donné rendez-vous et qu’elle était absente. Il s’offre donc pour nous faire découvrir son domaine.
Accompagné de sa jeune chienne nommée Guapa qui signifie belle ou jolie en espagnol, nous déambulons vers les vignes près de l’immense château d’eau. Monsieur Pariente nous parle avec fierté de sa propriété dont il a obtenu la responsabilité avec sa femme, Christine Valette-Pariente, depuis le début des années 80. En fait, c’est justement la famille Valette qui fit l’acquisition du domaine en 1869 après qu’Édouard Troplong eut ajouté son nom à la propriété de Mondot. Édouard était le neveu de Raymond Troplong, un juriste et pair de France ayant fait l’acquisition du domaine alors connu sous la désignation de Mondot en 1850. Raymond Troplong avait acheté ce domaine sur lequel était déjà construit le château qui existait depuis 1745 et fondé par l’abbé Raymond de Sèze.
Un site avec une vue imprenable
Du haut de la butte du lieu dit Mondot qui s’élève à 106 mètres, Monsieur Pariente nous explique avec fierté que son vignoble de 32 hectares est avec Figeac Cheval Blanc et Pavie au sein des plus vastes de l’appellation Saint-Émilion En fait, la majorité des propriétés font de 8 à 10 hectares. Animé par une passion sans égal envers ce vignoble qui offre une vue à 360 degrés sur l’appellation, Xavier Pariente nous explique que beaucoup d’efforts et de sacrifices ont dû être faits pour restructurer le vignoble. La diversité et la complexité du sous-sol est un atout mais encore faut-il que l’on puisse avoir les bons éléments aux bons endroits. Aujourd’hui constitué de 83% de Merlot et 17% de Cabernet, le vignoble de Troplong Mondot possède un sol argilo-calcaire propice au développement du Merlot mais aussi d’autres types de sol. Ces sols ajoutent au style du vin du domaine qui produit de 110 000 à 120 000 bouteilles par année. Depuis qu’ils prennent soin du domaine, sa femme et lui, c’est Michel Rolland qui conseille le couple au niveau viticole.
Un travail de longue haleine
Xavier Pariente confesse toutefois que le programme de replantage de certaines vignes a été soumis à un programme rigoureux, de même qu’au niveau de la réhabilitation des sols. Le tout s’est fait en tenant compte d’une étude croisée du sous-sol. On a fait le sacrifice de 10 à 15 ans de travail, réduisant parfois la production à 50 000 bouteilles, selon certains millésimes. On a changé des porte-greffes, des cépages ont été relocalisés, on a changé les clones tout en modélisant ce qui serait le mieux en fonction des expositions des parcelles et propriété des sols. « Quand on commence à restructurer un vignoble, c’est un peu comme s’arracher une main », tranche sèchement Monsieur Pariente.
Dans sa verve de passionné, l’homme n’hésite pas à nous expliquer en caricaturant davantage. « Vous savez, pendant des années, avant que l’on devienne des rockstars, tout le vignoble produisait du vin, mais il n’y avait pas ce côté technique et cette attention que l’on porte présentement à ce que l’on fait. Il y avait un peu de tout comme du Malbec, des cépages sans trop d’intérêt et même un peu de blancs. Ensuite, il y a eu cette envolée des prix qui a fait de nous des rockstars, mais on est toujours des agriculteurs dans le fond. Trente ans passés, vous savez, ce n’était pas comme aujourd’hui, c’était difficile de vendre nos vins », de renchérir le sympathique propriétaire.
"Il y a eu cette envolée des prix qui a fait de nous des rockstars, mais on est toujours des agriculteurs dans le fond" - Xavier Pariente.
De la vie de famille jusqu’à l’oenotourisme
Nous nous dirigeons vers la propriété de Monsieur Pariente, soit le château où il habite avec son épouse. Un site enchanteur situé à 120 mètres d’élévation, surplombant le ravissant village de Saint-Émilion et son église monolithe, connue pour être la seconde plus grande église du genre au monde. Pendant que Guapa profite de l’inattention de son maître pour gambader dans les vignes un peu plus bas, le patron de Troplong Mondot nous explique qu’il a conservé 2 hectares pour les bons plaisirs de la vie. Un parc, un potager, un poulailler et des espaces pour profiter de la vie en famille bordent le château. De plus, il y a toujours cette vue sur le plateau de Saint-Émilion où les plus grands noms de vignobles se côtoient : Trottevieille, Pavie, Ausone et Bélair. Il ajoute aussi que 7 hectares du vignoble de Troplong Mondot sont cultivés avec des chevaux. Dans un souci de maintenir une approche environnementale, on n’utilise aucun pesticide ni de désherbant dans cette section. Le mode de culture est raisonné et en conversion bio.
Depuis un an, Troplong Mondot offre également une expérience oenotouristique. La propriété offre 3 chambres pour les touristes, en plus d’avoir ouvert un restaurant gastronomique. En interpellant à nouveau Guapa, nous nous dirigeons vers les bâtiments techniques.
Entre technique et effet climatique
Chemin faisant, nous passons à proximité de la plus ancienne partie du vignoble. Bien que l’âge moyen des vignes de Troplong Mondot soit de 33 ans, sur cette parcelle, on a des vignes vieilles de 82 ans. C’est à partir de ces vignes que l’on pratique la sélection massale. Nous allons ensuite vers l’entrée des vendanges du domaine. Au moment de notre visite, on était en préparation pour les vendanges de la récolte 2012. La cueillette se fait en cagette de 7 kilos et le tri est effectué avec la modernité du tri optique. Depuis quelques années, un nouveau cuvier, doté de cuves tronconiques thermo régulées de petits volumes, a permis une optimisation du produit. Les cuves tronconiques permettent une infusion plus homogène notamment pour les remontages.
Il est vrai que les techniques d’élaboration du vin ont grandement évoluées à Saint-Émilion comme ailleurs dans le monde du vin. Cependant, il y a peu de région au monde où la presse spécialisée porte autant d’attention sur la qualité des millésimes. Cette situation influence grandement le prix que les consommateurs devront débourser pour se procurer le précieux nectar. Si les récents millésimes 2009 et 2010 ont fait sauter la banque dans le Bordelais pour leur titre de millésimes d’exceptions, il y a eu par la suite une vaste campagne de dénigrement du 2011. Pour Monsieur Pariente, ça ne tourne pas rond : « Ces grandes années sont des années anormales qui se trouvent délicieuses, mais la vraie vie, ce sont tous ces millésimes que nous avons grâce à notre latitude, notre climat constitué de pluie, de soleil et de froid » affirme-t-il. « On revisitera le 2011 dans quelques années en disant qu’on s’était un peu trompé et pourtant, c’est un merveilleux millésime. C’était « challenging » pour les vignerons, mais quand on a des années comme 2009 et 2010, on est là que pour faire la sieste, vous savez » de confier notre hôte, d’un ton sérieux. Il écorche au passage les critiques de vin en affirmant que Robert Parker est un fantasme. « Tout le monde veut faire dire à Parker ce qu’ils veulent entendre », en lançant candidement ces mots.
Le millésime 2011 aura moins de rendement à l’hectare, mais la qualité n’en sera pas pour le moins négligée dans les précautions prisent pour en faire un bon vin. En visitant les chais, nous y avons vu les barriques de fût de chêne qui vont probablement produire 80 000 bouteilles. Monsieur Pariente nous fait remarquer la propreté des barriques. Plusieurs propriétés vont teindre les contours des barriques notamment pour cacher les coulisses qui peuvent surgir lors de l’opération des soutirages. Il désapprouve cette pratique qui est selon lui, un manque de respect envers le métier et l’hygiène du produit.
L’élevage des vins de Troplong Mondot se se fait en barriques de chêne neuf pour 75% de la vendange et cela pour une durée de 12 à 24 mois, selon la structure du millésime. On optera pour des barriques d'un an pour les 25% restants. Les assemblages en fin d'élevage permettent de sélectionner le Troplong Mondot et son second vin le Mondot. Ce second vin a été créé en 1985 et offre un rouge à majorité Cabernet qui s’est imposé au fil des années comme un grand cru à part entière, avec son élégance et sa finesse. Nous terminons cette visite par une dégustation du millésime 2007 du Château Troplong Mondot. Les conditions de la météo en 2007 auront demandé un travail précis et intensif pour maintenir l’état sanitaire des raisins. Un mois de septembre plus chaud a été bénéfique pour atteindre la pleine maturité des raisins. Constitué de 90 % Merlot, 5 % Cabernet Franc et 5 % Cabernet Sauvignon, le 2007 est un vin racé. D’une robe grenat très sombre, son nez offre des parfums de fruits noirs compotés et de subtiles notes boisées. Belle richesse en bouche, volumineux aux tanins charnus, le vin s’exprime avec élégance. Nous sommes heureux d’avoir partagé ces quelques instants de bonheur avec cet homme authentique qui n’a pas peur de ses convictions.
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